Verglas, Pâques et silence? C’est quoi le lien? N’est-ce pas un titre qui n’a ni queue ni tête? À vrai dire, j’écris alors que le verglas est à son comble et que de nombreux citoyens sont sans électricité dans la grande région de Montréal. Je suis parmi les choyés qui peuvent encore compter sur la lumière alors que les pannes n’ont pas frappé ma maisonnée.
Et cette situation «confinante» me faisait penser à un texte, que je devais réviser pour des amis et clients, qui mentionnait l’importance du samedi saint comme étant une journée de silence et d’absence. Vous devez toujours vous demander le lien… n’est-ce pas? C’est que je crois que nos vies perdent parfois de sens et que nous devons expérimenter l’absence et le vide pour nous recentrer sur l’essentiel.
En fait, il suffit d’un verglas pour nous priver du confort de l’électricité et pour réaliser à quel point nous en sommes dépendants, tout en étant fortunés de l’avoir si facilement accessible. Il suffit de passer dans une région du Québec où l’internet est lent pour apprécier la haute vitesse… il suffit de souffrir de l’absence d’un être que nous aimons pour apprécier sa présence.
Pâques et silence?
C’est donc sous le verglas que je m’arrête pour écrire ces quelques lignes. Le texte que je viens de réviser mentionnait la montée pascale et son arrêt souvent bafoué du samedi saint. En effet, religieusement, c’est la seule journée de l’année qui n’est pas habitée par une célébration ou par un rituel quelconque.
C’est une journée de silence, d’absence et d’attente que nous meublons trop souvent par les préparatifs pour le jour de Pâques. Avons-nous oublié la valeur du savoir s’arrêter, de prendre le temps, de trouver le temps?
Alors que je sortais de chez les moines, il y a plusieurs années, j’étais agressé par le son de la télévision et de la radio. Je vivais encore dans le silence sans ne jamais, ou presque, écouter la télévision. Ma vie était occupée et meublée de rencontres et de lectures. Aujourd’hui, je me surprends parfois à meubler mes silences par du virtuel, à combler l’absence par d’autres présences, etc.
J’ai souvent l’impression qu’en tant que société, nous vivons désormais très mal avec le silence et l’absence… Nous sommes continuellement sollicités, les images, le son, la télé, les publicités… la distraction est omniprésente. Mais pourquoi nous distraire? Vers quoi allons-nous? C’est comme si nous fuyons continuellement ce qui nous ramène vers l’essentiel… notre être profond… un sens à notre existence.
Verglas et silence?
N’était-ce pas le propre des grands empires historiques que de distraire ses citoyens? Du moins, c’était ce qu’avait compris l’Empire romain. Son empire était devenu tellement grand qu’il se savait trop peu équipé en effectif militaire pour pouvoir résister à une rébellion de ses habitants. Il devait donc miser sur une tactique politique pour assurer le maintien de l’ordre : le divertissement.
C’est ainsi que les cirques, bains, thermes et colisée de ce monde ont été construits afin d’offrir des divertissements aux habitants qui, se sentant ainsi valorisés, ne voyaient pas la nécessité de réclamer autre chose. Alors qu’ils participaient aux spectacles gratuits et bénéficiaient de nombreux avantages, ils ne passaient plus de temps à se questionner sur leur souveraineté.
Mais lorsque nous faisons face à un silence obligé… nous sommes violemment sevrés et résistons. Nous avons perdu la capacité au silence. Il est difficile de s’arrêter et de prendre du temps lorsque nous sommes toujours à la course… difficile de faire silence lorsque notre quotidien est parsemé de bruit… difficile de méditer lorsque notre esprit est tourmenté.
Mais lorsque le verglas frappe à la porte… nous sommes soudainement obligés de penser différemment. Nous pouvons vivre ce temps de deux façons : l’attente impatiente du retour du courant ou un temps providentiel nous permettant de nous recentrer sur l’essentiel.
Pâque, verglas, silence… de la pure providence
C’est donc tout de même providentiel que de vivre une tempête de verglas à l’aube de Pâques… ça nous rappelle que pour vivre une réelle résurrection, pour profiter pleinement du printemps, pour faire entrer le soleil et la chaleur… il faut parfois prendre le temps de s’arrêter pour apprécier ce que nous avons déjà… prendre le temps de remercier la vie, l’hiver, le silence, la fibre optique et les fils de courant qui agrémentent notre quotidien.
Profitons de ce silence obligé pour nous retrouver en famille. Avons-nous perdu le fil de la conversation? Avons-nous perdu le fils des intérêts de nos proches? Savez-vous ce que met votre conjoint ou conjointe dans son café? Ce qui fait plaisir à ceux et celles que vous aimez? Savez-vous ce qui meuble leur quotidien? Leur nouvel intérêt? Passe-temps? Leur nouvelle flamme?
Pourquoi ne pas prendre le temps de se retrouver alors que Pâques est à nos portes et que le verglas nous fait maudire l’hiver et espérer l’arrivée hâtive du printemps et de l’été?
Je vous mets au défi de vous asseoir avec ceux que vous aimez pour les redécouvrir… prendre le temps d’aller au-delà de nos impatiences du quotidien et de la routine parfois «emprisonnante» pour faire quelque chose de fou et d’unique. Notre réalité change, nos rêves et goûts aussi… seriez-vous capable de nommer ceux de vos proches?
Je vois donc un lien clair entre Pâques, le verglas et le silence… ce sont toutes des occasions qui peuvent nous permettre de nous recentrer sur l’essentiel et reconnecter avec nous-mêmes, avec Dieu, avec la vie, avec nos proches. Cessons de nous laisser gaver et endoctriner par des besoins fictifs qui ne pourront jamais combler le vide abyssal de notre besoin de Dieu.
Que ce Dieu soit interne ou externe, qu’il soit au ciel ou sur terre, dans votre cœur ou chez les autres… il y a en nous une parcelle divine qui a soif d’éternité. Plus nous fuyons l’essentiel et plus nous nous éloignons de notre centre et du sens profond de notre existence.
Conséquence? Nous vivons en superficie… privés de réelle communion, d’amour profond, de relations significatives. C’est donc dire qu’au contraire, plus nous nous centrons sur l’essentiel et plus nous donnons un sens profond à notre quotidien.
Une vieille légende hindoue disait que les dieux voulaient se venger de l’homme et de son péché. Pour le punir, ils décidèrent de cacher sa divinité. Alors qu’ils cherchaient des façons de la cacher, ils pensaient la placée au sommet des montagnes ou dans les profondeurs de la mer… mais certains dieux s’opposèrent puisqu’ils savaient que l’homme finirait par la retrouver. Ils consentirent donc à la cacher dans son cœur… ainsi, l’homme ne prendrait jamais le temps de la retrouver…
Et vous? Vous en pensez quoi du verglas? De Pâques? Du silence? De la divinité en vous? N’hésitez pas à commenter.
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