Le titre de cet article doit certainement susciter une certaine curiosité… hommage à Denise Bombardier? L’art de s’inquiéter? Quel est le lien? Où veut-il en venir? Laissez-moi introduire le tout! 

Alors que je me prépare à rédiger cet article pour mon blogue, je tiens d’abord à remercier les nombreuses personnes qui m’ont envoyé des messages en privé afin de m’encourager dans cette nouvelle voie/voix qui s’ouvre devant moi. Si vous n’avez pas lu mon dernier article, je vous invite à le faire ici

Cela dit, si vous me suivez sur ce blogue depuis un certain temps, vous devez certainement savoir à quel point je suis un inquiéteux perpétuel… je m’en fais pour tout et pour rien, même si j’apprends au quotidien à laisser aller ce qui échappe à mon contrôle. 

Mes inquiétudes sont farfelues pour de nombreuses personnes, mais elles sont propres à ma personnalité et je suis conscient qu’elles peuvent devenir envahissantes si je ne cède pas la place à la raison. Un courriel envoyé, une réponse donnée, un ton de voix différent, une absence de réponse, une recherche de contrat, des paiements à venir, etc., sont parmi les nombreuses pensées qui mobilisent souvent mon quotidien. 

S’inquiéter jusqu’à l’anxiété

Évidemment, il m’est facile de conseiller les autres et de leur dire de laisser aller, de s’ancrer dans le moment présent, de méditer, laisser ces pensées envahissantes de côté, etc. Mais, je me rends bel et bien compte que lorsque l’inquiétude m’envahit, je peine encore à tout comprendre et contrôler. 

Positivement, je pourrais dire que cela relève d’un trait de ma personnalité et tire son origine de mon désir d’être « bon », compréhensif, empathique avec les autres. Je suis hanté par cette peur de donner l’impression de me croire au-dessus des autres ou plus compétent, et, même le contraire, dans certains cas, d’être perçu comme n’étant pas assez compétent ou même insignifiant. 

Est-ce du narcissisme? De l’égoïsme masqué? N’est-ce pas le fameux dilemme de notre persona que nous cherchons souvent à mettre de l’avant afin de protéger/cacher notre réalité profonde? Est-ce que mon image, ma persona m’importe plus que la situation ou que les autres? En fait, je crois qu’il s’agit plutôt d’une conséquence du fameux syndrome de l’imposteur, cette peur de ne jamais être vraiment à ma place et d’être assis sur un siège éjectable. 

S’inquiéter… et Denise Bombardier elle?

Si vous suivez l’actualité au Québec, vous n’êtes pas sans savoir que Denise Bombardier n’est plus. Elle nous a quittés en laissant derrière elle la richesse incomparable de son témoignage, de son audace, de son courage.

Évidemment, je ne partageais pas tout le temps ses opinions, je me surprenais même parfois à vouloir la faire taire et lui reprocher son accent pseudo-français et son parler en « cul de poule. » Par contre, malgré mes divergences d’opinions, je ne pouvais qu’admirer son courage et son audace alors qu’elle faisait face à des opposants et qu’elle assumait sans gêne ses positions et ses affirmations. 

Elle était capable de dénoncer le comportement pédophile de Gabriel Matzneff alors que l’élite française faisait l’éloge de sa plume adulée par les prix littéraires de notre mère patrie. Elle en connaissait pourtant les conséquences… elle savait qu’elle venait de publier un livre et que son passage en France se voulait une promotion de son œuvre… Elle préférait la liberté et la défense de la vérité à son succès personnel, elle préférait défendre ses victimes innocentes plutôt que de renflouer ses coffres. 

Alors que le Québec était au banc des accusés par nos amis français qui nous reprochaient de galvauder notre langue, notre Denise patriotique avait l’audace de défendre la qualité de notre français contre cette mère patrie américanisée et anglicisée au-delà de l’acceptable. À coup de « The Voice », le « planning », les « bestas », le « footing », etc., l’attrait pour l’anglais et cette pseudo-image de réussite atteint même les bas-fonds des « vrais Français. »

Elle, Denise, la fatigante, elle avait compris que l’affirmation de nos idées et de nos convictions profondes n’avait rien d’un manque de respect. Elle avait compris que l’insulte et l’affirmation étaient deux choses différentes et était capable de rire et de se lier d’amitié même avec celles et ceux qui critiquaient ses positions. Elle avait compris qu’au-delà de nos combats idéologiques, nous sommes des êtres humains qui sont riches de leurs différences. 

S’inquiéter de se perdre

Cette belle Denise me rappelle donc qu’il y a plus de valeur dans la défense et les débats intelligents que dans la sauvegarde de nos personas. Elle me rappelle que, malgré les opinions d’autrui, il faut savoir être fort et persévérant dans nos convictions. 

Lorsque je pense aux menaces de mort qu’elle a reçues après avoir dénoncé Matzneff et aux pertes tangibles dans les ventes de ses œuvres, je ne peux m’empêcher de me remettre en question et de devoir répondre à mes peurs et mes démons.


Si elle, une femme dans une société jadis machiste a su faire sa place, publier des œuvres signifiantes et être une journaliste appréciée, comment puis-je ne pas trouver les moyens en moi pour en faire autant, bien que différemment? Pourquoi suis-je mobilisé par la peur de déplaire, d’être rejeté, invalidé, alors que mes idées et positions sont aussi valides que celles de l’autre camp? 

Je devrais peut-être plutôt m’inquiéter de devenir insipide et de me fondre dans la masse sans convictions et sans questionnements? Évidemment, je ne crois pas que c’est la solution. Je crois plutôt qu’il faut en arriver, comme société et comme individus, à faire la différence entre le respect de l’autre et l’affirmation de soi! 

Voilà l’héritage de Denise Bombardier! Elle nous rappelle que nos idées ne sont pas un obstacle au bonheur des autres… Elles sont un point de pivot dans un débat idéologique qui pousse à la réflexion, elles sont des pierres d’achoppement pour la société de demain… elles sont des épines nécessaires qui interpellent et qui nous ramènent sur la juste voie alors que nous perdons beaucoup trop facilement le sens critique, subjugués par nos écrans manipulateurs de conscience! Et cela, malgré le fait que nous soyons d’accord ou pas!

Alors oui, j’ai souvent peur… mes peurs sont infondées, inutiles et banales! Elles sont vides de sens puisque je me sais être quelqu’un qui respecte autrui, qui apprend de tous, même du plus petit ouvrier et qui cherche sans cesse en se questionnant sur tout et sur rien!

Mais je pense que mes peurs viennent d’ailleurs… Elles viennent de ces lettres de menaces reçues alors que j’étais prêtre qui me condamnaient à une fin malheureuse et qui criait haut et fort mon manque d’intelligence! Mes peurs, elles viennent d’un des pires reproches que l’on m’a fait. Vous savez lequel? Celui de me faire dire que je « me prenais pour un autre » par des membres de ma propre famille alors que je défendais une personne victime de leur méchanceté. 

Je ne me prends pas pour un autre… je suis les autres… nous sommes les autres! Nous avons toutes et tous le devoir de parler haut et fort contre l’injustice et de continuer à affirmer nos idées autant et aussi fort que nous le pourrons! En fait, l’essentiel c’est de savoir se remettre en question et être capables de reculer lorsque nécessaire tout en avançant lorsque l’humilité l’exige.